Naissance d’une passion
Florian, je t’ai connu au début des années 90, haut de tes 8 ans, au sein d’une association que je présidais: les Amis du Musée du Chemin de Fer à Argentan. Et même si l’expérience fut assez brève, en as-tu encore des souvenirs ?
Oui, très bons évidemment! A contrario, je ne me souvenais pas du nom de l’association.
Y participer m’a appris à avoir de la patience, une qualité nécessaire pour le modélisme ferroviaire. Je me rappelle de la grande pièce à l’étage, avec des réseaux à l’échelle HO, tous ces décors et ces trains miniatures. Ca faisait rêver! J’étais en admiration. Je n’ai pas oublié la vue qu’offrait le bâtiment sur la voie de chemin de fer Paris-Granville et Caen-Tours !
Effectivement, c’était encore l’époque des BB 67300/67400 en têtes de rames Corail. Machines et voitures qui t’ont marqué si je ne m’abuse ?
C’est absolument ça !! Machines bleues et voitures Corail blanches et noires aux portes oranges. Des trains qui avaient fière allure….
Tu n’étais pas venu par hasard au sein de l’association. Comment t’es venu cette passion pour le chemin de fer ?
Difficile à dire! Lorsque j’avais 4 ou 5 ans, ma grand-mère m’avait emmené à la gare pour aller chercher une personne. J’avais été fasciné par ces gros engins d’acier, leurs bruits, les rails d’acier gris sur le dessus, le coup de sifflet de l’agent de gare, l’envie de monter à bord de l’un de ces trains pour découvrir le mystère que j’en avais. Je pense que cette passion est venue de là.
La préparation au métier
Je te retrouve au milieu des années 2000, sur le bord des voies, à photographier les trains. Que s’est-il passé entre deux ?
La passion est restée. J’en profite pour saluer la mémoire de Louis Leboucher, un homme extraordinaire, parti trop tôt… Il fût conducteur et cadre Traction à Argentan. Je lui dois beaucoup.
Avec les années, je me suis orienté vers la photographie des trains. Influencé par les photos des nombreux livres ferroviaires que je possédais, qui sait !
Et c’est avec plaisir que je peux admirer tes photos 😉
Quel a été ton cheminement scolaire avant d’entrer à la SNCF ?
Mon cursus scolaire fût scientifique. Avec les études suivantes:
Bac STI (Sciences et Technologies Industrielles) à Argentan
BTS MAI (Mécaniques et Automatismes Industriels) au Mans
Licence Professionnelle (Conception mécanique, études et projets) à l’Université de Damigny
IUFM à Damigny (Institut Universitaire de Formation des Maitres) pour devenir professeur des écoles
Concernant, l’IUFM, je n’ai pas été jusqu’au bout puisque l’opportunité de la SNCF s’est présentée au même moment
La conduite, ton métier
Tu es donc conducteur de train en Ile de France. Depuis 15 ans si je ne me trompe pas. Parle nous de ton parcours durant ces années.
J’ai été embauché en octobre 2005 chez SNCF. J’ai obtenu l’examen de conducteur de ligne en novembre 2006, au bout de la 3eme tentative. Cela va bientôt faire 14 ans, tu n’étais pas loin du compte !
Ma première affectation fût l’Etablissement Traction du Bourget Drancy. En 2008, j’ai intégré l’Etablissement Traction Nord Parisien avec la conduite sur plusieurs lignes Transilien et RER. Par la suite, je suis devenu moniteur instructeur.
Seulement des automotrices
Sur quels matériels roules-tu en ce moment, et sur quels matériels es-tu habilité ?
Actuellement, je roule sur les Z 8100 (matériels automoteurs du RER B) et les Z 50000 (Transilien lignes H et K)
Il n’y a pas si longtemps de cela, j’avais les habilitations conduite BB 17000, RIB, VB2N, Z 6100 (les petits gris) ainsi que les Z2N.
Est-ce qu’il y a des engins que tu aimerais conduire ? Du matériel que tu apprécies pour une raison ou pour une autre.
J’apprécie les Z 50000 maintenant qu’elles sont fiables !! Le confort conducteur s’en est considérablement amélioré. En outre, la motorisation répartie et les anti-enrayeurs performants permettent de mieux lutter contre les conditions d’adhérence dégradées. Des situations qui nous donnent parfois des sueurs froides malgré les précautions prises.
Néanmoins, je garde de bons souvenirs de mes anciens matériels comme les BB 17000 attelées à des caisses de RIB ou de VB2N. Sans oublier les Z6100 et Z2N, qui demandaient plus de technicité et de savoir faire, notamment lors des phases de freinages. Il n’était pas rare de se louper.
Une journée de conduite
La conduite en Ile de France, c’est un peu l’uniformité. Sur quelles lignes as-tu roulé, et sur lesquels roules-tu aujourd’hui ?
J’ai roulé sur les RER B et D, et les lignes Transilien H et K. Nous avons perdu la charge de travail de la ligne D. Hélas, ce n’est pas fini puisque dans quelques semaines, je serais affecté à une seule ligne. Pour ma part, ce sera le RER B. L’avenir est à la spécialisation, pour diverses raisons. Ce qui n’est pas de mon goût, évidemment.
La journée de service
Peux-tu nous raconter ce qu’est une journée type pour un conducteur de train sur la ligne B du RER ?
La ligne B est une ligne éprouvante. Plusieurs raisons à cela: une ligne saturée en terme de trafic et de fréquentation voyageurs, de nombreuses gares sur le parcours, par conséquents beaucoup d’arrêts à réaliser, une densité de signaux et de transitions de vitesse très importante. La liste est longue.
J’ai coutume de dire que le métier de conducteur de trains est assimilable à un combat de boxe. Si l’on baisse la garde, on s’en prend une. Mais la ligne B du RER demande une vigilance plus accrue encore. De ce fait, ces journées de service (JS) sont en général plus courtes qu’un service en province.
La journée type d’un conducteur de RER B, comme celle de tous les conducteurs de trains commence toujours par une “prise de service “ où l’on prend connaissance des documents de sécurité utiles au service (travaux, horaires, modification de service,…). Ensuite, nous effectuons le service commandé et celui-ci comprend la conduite des trains, des essais de sécurité préalables ou consécutifs à la conduite principalement. Enfin, lorsque le service a été réalisé, nous pouvons soit retourner à notre domicile, soit dormir dans un hébergement (hôtel ou foyer) pour repartir sur une journée de service le lendemain. C’est ce qu’on appelle un “découché”.
Chaque JS est différente. Sur la ligne B du RER, à chaque jour son lot d’incidents !!
Evolution du métier
Comment vois-tu l’évolution de ta carrière au sein de la SNCF ?
Je souhaite rester conducteur et m’orienter vers l’accès au TGV. En dépit de la spécialisation galopante, ce métier me plait toujours.
Depuis plusieurs décennies, le chemin de fer est dans une spirale négative en France. Crois-tu qu’il puisse se relever un jour ?
Tout dépendra des ambitions des dirigeants SNCF et de ceux qui dirigent la France!! Malgré des choix stratégiques parfois douteux, je pense que nous sommes entrés dans une période où le train a le vent en poupe. Il va falloir profiter de cette opportunité…
Florian, je te remercie de bien avoir voulu répondre à mes questions.