Les A1A-A1A 68000

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Très tôt après la fin de la deuxième guerre mondiale, la SNCF pris la décision d’abandonner la traction vapeur sur ces lignes.

Tout d’abord par des électrifications pour les grands axes et la diésielisation pour les autres.

Les caractéristiques

Au début des années 60, la SNCF commanda, parallèlement au BB 67000, que je vous présenterai plus tard, des locomotives de forte puissance pour la traction de trains de voyageurs et de marchandises: les A1A-A1A 68000.

A1A-A1A 68001 - Ateliers Quatre-Mares - Sotteville -  © GAQM/Lemaure
A1A-A1A 68001 – Ateliers Quatre-Mares – Sotteville – © GAQM/Lemaure

La SNCF se tourna vers le consortium CAFL/CEM/Fives-Lille pour la conception de ces machines. La SACM intervint alors pour imposer son moteur AGO et obtint gain de cause. Le moteur Sulzer 12 LVA 24 équipera les 80 A1A-A1A 68000. Les AGO de la SACM équipant pour sa part la série A1A-A1A 68500 pour 29 engins.

Moteur SULZER 12 LVA 24 - © GAQM/Lemaure
Moteur SULZER 12 LVA 24 – © GAQM/Lemaure

Les livraisons s’étaleront de 1963 à 1968

Le tableau ci-dessous résume les caractéristiques de ces machines.

A1A-A1A 68000

Disposition essieux
A1A-A1A
Moteur thermique
Sulzer 12 LVA 24
Génératrice
GD 994 CEM
Moteur traction
4 x GDTM 544 727 V CEM
Puissance Kw/Ch
1660 kW/2700 ch
Capacité réservoir
4175 L
Masse en service
105 T
Longueur
18.010 m
Largeur
2.920 m
Hauteur
4.250 m
Empattement
9.500 m
Type bogies
Y 211
Empattement bogies
3.000 m
Ø des roues motrices
Ø 1250 mm
Vitesse Maxi
130 Km/h
Bogie Y211 pour A1A-A1A 68000 -  Ateliers Quatre-Mares - Sotteville -  © GAQM/Lemaure
Bogie Y211 pour A1A-A1A 68000 – Ateliers Quatre-Mares – Sotteville – © GAQM/Lemaure

Une chaudière VAPOR OK4625 assure le chauffage des trains voyageurs. Chaudière démontée en 1981.

UM A1A-A1A 68079/A1A-A1A 68000 – Argentan

Leur carrière dans la région

Les premières machines mises en service le sont au dépôt de Chalindrey

Le 13/11/1963, le A1A-A1A 68004 arrive à Caen. En 1968, ils seront 16, puis 45 en 1978 après avoir atteint la soixante d’engins au milieu des années 70.

Ils assurent du service voyageurs sur Paris-Cherbourg et ses antennes vers Deauville, Cabourg et Coutances, et sur Paris-Granville et Rouen/Caen-Tours.

Pour les marchandises, ils roulent sur des Trappes-Argentan-Granville et Sotteville-Mézidon-Le Mans. Ils enlèvent les derniers trains de minerais du Chatellier vers Caen et Versailles, et les trains de granulats au départ des carrières de Vignats et Chailloué.

UM A1A-A1A 68059/A1A-A1A 68000 - Chailloué - 02/1994
UM A1A-A1A 68059/A1A-A1A 68000 – Chailloué – 02/1994

Dans les années 80, Caen perd ses derniers éléments et ce sont ceux de Tours/St Pierre qui roulent en Normandie.

Ils assurent encore quelques prestations voyageurs le Week-End, en UM avec une BB 67300 ou BB 67400, le A1A-A1A 68000 étant toujours en tête, la BB fournissant l’électricité à la rame voyageurs.

Dans les années 90, les A1A-A1A 68000 de Tours SP enlèvent toujours les rames de granulats de Vignats et Chailloué.

UM A1A-A1A 68075/A1A-A1A 68000 - Argentan
UM A1A-A1A 68075/A1A-A1A 68000 – Argentan

A la fin de cette même décennie, les engins rejoignent Sotteville. Ils assurent toujours la desserte des carrières ornaises, ainsi des inter-triages entre Sotteville et St Pierre des Corps via Argentan.

L’effectif de Sotteville disparaît au début de 2004. Les ateliers de Quatre-Mares étant l’atelier effectuant l’entretien et le levage de ces engins.

A1A-A1A 68001 - Ateliers Quatre-Mares - Sotteville -  © GAQM/Lemaure
A1A-A1A 68001 – Ateliers Quatre-Mares – Sotteville – © GAQM/Lemaure

Il reste un dernier représentant de cette série, le A1A-A1A 68081, affecté à la CMR. Il assure encore des trains (traction de matériels historiques, matériel radiés, …)

A1A-A1A 68081 CMR - Fresné la Mère - 21/08/2019
A1A-A1A 68081 CMR – Fresné la Mère – 21/08/2019
A1A-A1A 68081 - Argentan - 08/11/2003 - St Pierre des Corps-Sotteville
A1A-A1A 68081 – Argentan – 08/11/2003 – St Pierre des Corps-Sotteville

J’ai d’ailleurs une anecdote à 45 francs au sujet des ces machines.

Nous sommes vers la fin des années 80, par une belle journée de printemps. Je découvrais le chemin de fer et n’hésitais pas à faire une petite halte à la gare d’Argentan pour voir ce qu’il y avait.

Je me gare gentiment sur la place de la gare, file sur le quai où une agitation inhabituelle m’interpelle. Une rame de 16 corails est à quai, et une UM de A1A-A1A 68000 fait un tête à queue. Ce qui me surprend, c’est qu’il n’y a pas normalement de train à cette heure. Et la rame est anormalement longue pour cette ligne. Après la manœuvre et essais divers, la rame s’ébranle vers Paris.

Peu après, arrive de Caen plusieurs UM de BB 67400. Je vais à la pêche aux infos, le calme étant revenue pour peu de temps.

J’apprends ainsi que suite à un mouvement social au Mans, les trains en provenance de la Bretagne et allant vers Paris sont détournés par Argentan (et par Tours pour l’autre sens). On ne supprimait pas à cette époque, on détournait.

Un nouveau train venant du Mans est arrivé en gare. L’UM de A1A-A1A 68000 laisse sa place à l’UM de BB 67400, et repart vers le Mans.

C’est ainsi que le ballet de rame Corails Bretagne-Paris meubla mon après-midi en gare d’Argentan. Le trajet fut chaud pour les voyageurs, sans climatisation entre le Mans et Argentan (et même Paris pour le premier train, ce qui expliquait la course au bar du coin de nombre de voyageurs ).

Et au moment de repartir, un petit papier vert ornait mon pare-brise: 45 francs pour avoir stationner sur une place de taxi. Il faut savoir qu’à cet époque, il y avait environ 10 places pour 2/3 taxis. Je n’avais pas dû les gêner beaucoup 🙂

Si vous souhaitez en savoir un peu plus sur cette série de machines, je vous conseille la lecture de l’ouvrage de Guillaume Pourageaux, Bernard Collardey et Jean-Gabriel Ampeau: Les premiers diesels de forte puissance