Patrick Verbeke: le blues à la française

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Il y a des groupes et des musiciens dont on passe à coté de leur carrière. Et puis un jour, c’est la révélation. Comme j’ai le temps de rattraper le temps perdu, je m’y colle.

Il y a Paul Personne, dont j’ai négligé l’écoute depuis Backstage, c’est-à-dire depuis 1979/1980. Et depuis sa redécouverte, je remonte le temps.

Mais il y a aussi Patrick Verbeke, au parcours bien différent, que je découvre vraiment. Grâce aux Witch Doctors, j’ai pu l’entendre en concert, à Langrune/Mer en août 2020, après l’avoir manqué au Portobello de Caen en juin 2019.

Concert de Patrick Verbeke accompagné des Witch Doctors et de Laurent Choubrac - Langrune/Mer - 10/07/2020
Concert de Patrick Verbeke accompagné des Witch Doctors et de Laurent ChoubracLangrune/Mer – 10/07/2020

J’ai décidé de m’intéresser au musicien. Et j’ai découvert une vie musicale riche et variée.

Au départ, il y a la Normandie

Patrick Verbeke nait le 13 avril 1949 à Caen. Il découvre alors le rock’n’roll, cette révolution musicale venue des Etats-Unis et popularisée par des groupes comme les Chaussettes Noires ou les Chats Sauvages. En 1963, il assiste au concert de Memphis Slim au Théâtre de Caen. C’est le déclic. D’apprenti-batteur, Patrick Verbeke devient guitariste de talent reconnu par la scène locale caennaise.

En 1967, il forme l’un des premiers groupes de blues français: l’Indescriptible Chaos Rampant. Puis c’est l’aventure Alan Jack Civilization, expérience musicale communautaire au cours de laquelle il rencontre Benoît Blue Boy. C’est le début d’une longue complicité et amitié.

La folie des années 70

Patrick Verbeke va être un élément très présent de la scène parisienne des années 70. Scène dont on se souvient de quelques noms : Variations, Magnum, Triangle, Dynastie Crisis, Tribu, Rocking’Chair et bien d’autres. Patrick Verbeke tient la guitare dans Magnum avec le bassiste Jacky Chalard, son nouveau complice (On les retrouve d’ailleurs plus tard dans Bistrock). Il crée Tribu.

Mais Patrick Verbeke, c’est aussi un homme de scène. Il aura l’occasion de jouer avec Freddie King, Luther Allison, Eddie Boyd, Memphis Slim,…

Il accompagne Johnny Halliday sur les tournées de 1976 et 1977. Plus surprenant, on le voit aussi avec Yves Montand, David McNeil, Valérie Lagrange, C. Jérôme…

Patrick Verbeke, avec son complice Jacky Chalard et d’autres musiciens de l’aventure Big Beat Génération, aide Vince Taylor lors de son ultime renaissance. Pour ceux qui veulent voir et entendre, il y a cette vidéo

Vince Taylor et Patrick Verbeke - Wervicq - 1979 - Photo: Julien EVEN
Vince Taylor et Patrick Verbeke – Wervicq – 1979 – Photo: Julien EVEN

Et c’est à ce moment que d’aucuns pensent que la carrière de notre bluesman va changer. Vince Taylor n’est plus que l’ombre de lui-même, ce qui laisse du temps à Patrick Verbeke pour faire son premier disque : Blues in My Soul (1981).

L’heure du blues a sonné

C’est à ce moment que le public va découvrir un guitariste de blues, mais aussi un chanteur à la voix éraillé.

Blues My Soul (1981) est donc le premier disque de Patrick Verbeke. Profitant des baisses de régime de Vince Taylor lors de sessions d’enregistrement, Patrick utilise les heures libres pour enregistrer ses premiers titres. 6 titres sont en français, dont Shangaï, L’Escalier De Ma Môme ou Mets Ta Casquette Blues et 6 en anglais.

Tais-toi et rame (1982), un album de 10 titres entièrement en français. Alors que la production mise sur Descends De Ta Planète (adaptation française de Take Me To The Pilot de Keith Forsey), Patrick Verbeke défend plutôt des titres comme Athis-Mons Blues ou La Tangente. Les ventes n’ont pas suivi.

Bec Vert (1984) est un EP 7 titres (avec l’ami Benoit Blue Boy), le dernier chez Underdog. Mais sans promotion (faillite du label) le disque passe “directement de la case nouveauté à la case collector” dixit Patrick Verbeke.

Le renouveau ?

School Boy Blues (1990) sort après une période de vaches maigres pour Patrick Verbeke. Avec Claude Langlois, et Pascal Mikaelian, il joue dans des endroits “là où les trains ne s’arrêtent jamais” comme il aime à le dire. Durant cette période, PV n’est pas resté inactif. Son côté pédagogue, et sa rencontre avec un très jeune public fait naitre un projet qui se concrétise avec cet album (j’ai un peu raccourci l’histoire, mais la finalité est là). Entouré de Luther Allison et de son fils Bernard, de Paul Personne et de Benoit Blue Boy, School Boy Blues est l’aboutissement de cette aventure. Et qui couvre tous les styles du Delta à Chicago en passant par le blues français.

Blues and Ladies (1992) trouve ses racines à Memphis, alors que Patrick Verbeke participe au Beale Street Blues Festival. Il ouvre pour Albert King, Etta James, Rufus Thomas ou Ray Charles. L’idée lancée, l’enregistrement commence à Memphis, et c’est en France que l’album est réenregistré (16 à 24 pistes) et finalisé. En invité, Bill Deraime sur un titre tout comme Luther Allison.

PV participe d’ailleurs sur deux titres à l’album acoustique de son ami Luther après une tournée des deux musiciens. Blues And Ladies marche bien. Et conséquence surement inattendue : Patrick Verbeke anime, à partir de fin 1993, une émission sur le blues, sur Europe 1. Pendant plus de 4 ans, dans De Quoi Je Vais Me Plaindre, PV va raconter l’histoire de ses invités, en dialoguant en musique et jouant en direct, ou en passant des disques. Le premier invité est … Luther Allison.

Funky Français (1996) est un disque de qualité, mais il ne reçoit pas le succès commercial espéré et attendu.

PV le pédagogue

Willie et Louise (1998). Patrick Verbeke, accompagné du Magic Blues Band, narre et chante le blues à travers ce conte bluesical, comme il le dit. Les 22 titres de l’album emmènent Willie et Louise à travers l’histoire du blues, du blues rural du Mississipi au blues-rock électrique d’aujourd’hui. A étudier dans toutes les écoles du primaire.

Willie et Louise - Patrick VERBEKE
Willie et Louise – Patrick VERBEKE

Monsieur Blues (1999) est une “compilation” de titres d’albums précédents, réarrangés, ou capté live : 20 titres à écouter ou réécouter.

Le virage des années 2000

Y2K Blues (2000) c’est un album de 14 titres enregistrés aux USA (New Orleans) et finalisés à Rueil. Comme pour son premier opus, c’est un mélange de titres en anglais et en français.

Autour du Blues (Vol. 1 en 2001 et Vol. 2 en 2002) est un concept, une réunion d’artistes autour d’une même passion : le blues. Et il a du monde autour de Patrick Verbeke et de Michael Jones: Denys Lable (le chef d’orchestre du projet), Francis Cabrel, JJ Goldman, Paul Personne, Beverly Jo Scott, Bernard Allison, Dick Rivers et beaucoup d’autres. On retrouve PV sur Key To The Highway, That’s Allright, St James Infirmary, Red River Blues, et Sweet Home Chicago. A noter un film de Patrick Savey sur cette aventure.

Echos d’Acadie (2004) est une particularité dans la discographie de Patrick Verbeke. Comme son nom l’indique, PV se plonge dans une des musiques francophones nord-américaines, celle de l’Acadie. Mais comme il le dit lui-même, “l’Acadie n’intéresse pas grand monde en France”. Le disque et le musicien, auront un meilleur accueil au Canada.

Capturé Live (2005) est enregistré au Jazz Club Lionel Hampton de l’Hôtel Meridien à Paris. Sur ce disque, se côtoient des standards (dont Louise, Walkin’By Myself, Sweet Home Chicago, CC Rider, Rocky Road Blues ou St James Infirmery) et des titres de PV (Si T’as Mal, De Quoi J’Vais M’Plaindre, Never Been To Mississipi, deux versions de Delta Queen, Acadiana, Evangelina et Sweet Lou.

Survol d’une vie en un disque

Bluesographie (2007). C’est une “véritable biographie en blues” (dixit JC Pagnucco). C’est le premier (et pour l’instant seul) album en ma possession, mais c’est celui qu’il faut. Depuis sa naissance en Normandie (Le Blues du Bébé Heureux), la vie de Patrick Verbeke défile : de sa rencontre avec le blues (Slim et Mickey) ou de son premier amour (La première dame) à la naissance de son fils (Sonny Boy), de ses premiers pas de musicien (Mai 68 et Blues In My Soul), sur la route (Ca Roule) aux moments difficiles (Chanteur, Presque Plus Rien). Sans oublier Balade au Pays du Blues, Radio Show et Memphis, Paris, New-Orleans. Des histoires simples, racontées par la voix si caractéristique de Patrick, et accompagnées par le jeu de guitares (électriques ou acoustiques) de l’artiste (et de ses amis ou de son fils, l’harmoniciste Steve Verbeke). Un bien bel album de blues tel qu’on peut l’entendre.

Bluesographie - Patrick VERBEKE
Bluesographie – Patrick VERBEKE

La P’tite Ceinture (2010). C’est actuellement le dernier album de Patrick Verbeke, en duo avec son fils Steve à l’harmonica. Reprise de morceaux de leurs répertoires respectifs dont le ténébreux Let Me Go Home Whisky, ou compositions originales dont le titre éponyme de l’album, ce sont 13 titres qui figurent sur ce disque.

Et j’en pense quoi de PV ?

Comme écrit en préambule : le regret d’être passé à côté de sa carrière. Pour moi qui aime le blues (voire même plutôt le blues-rock) sans en être un grand connaisseur, Patrick Verbeke, Mister Blues, ce qui est paradoxale pour quelqu’un qui chante en français, représente le type même du bluesman, celui qu’on imagine écouter dans les rues ou les clubs, et dont la simplicité n’a d’égal que le talent. Ce musicien qui raconte simplement les aléas de la vie, qu’ils soient heureux ou difficile.

 Patrick Verbeke - Langrune/Mer - 10/07/2020
 Patrick Verbeke – Langrune/Mer – 10/07/2020

A priori, une galette est sur le feu. Je deviens impatient 🙂

Cet article a pu se faire grâce aux différents articles et interviews trouvés sur le net. Tout le reste, je le dois à l’excellent article de JC Pagnucco dans Le Cri du Coyote 164 du printemps 2020.


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