A sa création, la SNCF hérite des installations ferroviaires et matériel des anciens Réseaux. Il faut dire que sa structure par région, copiant grosso modo les frontières des anciennes compagnies, ne provoque pas de gros changements dans l’affectation des machines.
La parc des locomotives de la Région Ouest [3] couvre une région qui s’étend de Paris, à l’est, jusqu’à Brest à l’ouest, et de Dieppe au nord, jusqu’à Bordeaux au sud. En 1939, seule la section Paris-Le Mans est électrifiée. Les principales radiales au départ de Paris vont vers Dieppe, Le Havre, Cherbourg, Granville, Brest, Nantes, La Rochelle et Bordeaux. Sauf que pour cette dernière la ligne via Tours, électrifiée et se situant sur la région Sud-Ouest [4] sera privilégiée.
Parc vapeur hétéroclite en 1939
3280 locomotives à vapeur représentant 68 séries peuplent les dépôt de l’Ouest au 1er mars 1939. Un parc hérité des compagnies de l’Ouest et de l’Etat, mais aussi de réseaux voisins (210 machines). L’incorporation de lignes, en particulier du PO-Midi en est une des raisons
Les machines Ouest-Etat
Le parc issu et conçu par l’ancien Réseau de l’Etat est assez hétéroclite. On y dénombre ainsi: des 3-120 (21 machines), des 3-121 (17 machines), des 3-220 (74 machines), des 3-221 (10 machines), des 3-030 (250 machines) dont l’importante série des 3-030 C (206 machines), des 3-130 (11 machines), des 3-230 (598 machines), des Pacifics 3-231 (352 machines), des 3-140 (409 machines), des 3-141 (250 machines) pour les machines à tender séparé.
Quant aux machines-tenders, 7 séries se partagent le gâteau, aux manœuvres, au service banlieue ou en service sur de petites lignes. Que ce soient des locomotives à 3 essieux moteurs, telles les 3-030 TA (40 machines) ou 3-030 TB (93 machines), les 3-230 TA (41 machines), les 3-131 TA (120 machines). Ou les puissantes machines à 4 essieux, dont les 3-040 TA (143 machines), les 3-141 TC (20 machines) ou les 3-240 TA (4 machines).
Les machines étrangères
On peut y ajouter les machines dites armistices, (201 machines) telles les 231 A 981 à 995 Bavaroises…
ou les 230 E 933 à 942 et 140 D 908 à 952 (G4/5), elles aussi bavaroises. Ex-Prusse, figurent à l’effectif les 230 E 943 à 959 (P8), les 040 B 901 à 941 (G8/1) et les 141 TA 901 à 923 (T14). Quant à la Saxe elle fournit les 230 E 960 à 984 (XII H2), et les 131 TB 916 à 921 (XIV HT) et 050 TA 901 à 912 (XI HT).
Les 131 TB 901 à 915 viennent du pays de Bade. Enfin de l’empire germanique, les 3 Pacific 231 A 997 à 999 de l’Etat de Wurtemberg figure à l’effectif du dépôt du Mans.
A noter que ce sont de petites séries de machines, présents dans quelques dépôts et assurant le plus souvent un service des plus anonymes.
En provenance d’autres réseaux
La SNCF ne faisant qu’une, la région Ouest intègre dans son giron des lignes ayant appartenu à d’autres réseaux (par exemple l’ex-PO-Midi) et vice-versa avant d’assurer une certaine unité dans la gestion de ces régions. Ce qui fait qu’elle récupère aussi le matériel qui les fréquente. Autre cas de figure, la mutation de matériel d’autres réseaux pour renforcer un parc un peu juste. Et enfin le matériel commandé pas le réseau de l’Etat, mais sur base de machines d’autres réseaux. C’est le cas des 241 A 1 à 49 ou les 150 A 1 à 10, construites à partir de modèles Est
Les américaines
Suite à la première guerre mondiale, de nombreuses machines d’origine américaine garnissent les dépôts des anciennes compagnies. Le réseau de l’Etat n’y échappe pas. Pas moins de 409 machines de type 140 sont à l’effectif en 1939. Elles sont immatriculées 3-140 B 1101 à 1510 sur la région Ouest.
Elles essaiment les lignes de l’Ouest en tête de patachon.
Situation au 1er janvier 1948
Suite à la deuxième guerre mondiale, l’effectif réduit à 2647 machines, soit près d’un quart en moins dû aux destructions et aux prises de guerre de l’Allemagne. Il est à noter qu’il ne reste que 27 locomotives ex-armistice. Les autres sont radiées, détruites ou de retour dans leur pays d’origine.
Par contre, des machines dites unifiées apparaissent à l’effectif. Celles étudiées et construites en France: les 141 P…
Et celles étudiées et construites aux Etats-Unis et au Canada: les 141 R…
… ou les 030 TU. La SNCF en profite pour renuméroter les 3-140 A et 3-140 B. La SNCF les reclassent en 3-140 G et 3-140 H, en 7 sous-séries. Un prototype est en cours de construction: la 3-221 TQ 1.
Situation au 1er juillet 1951
A cette date, l’effectif a diminué de 275 engins, soit un peu plus de 11% de celui de 1948. Des séries anciennes quittent la scène comme les 3-121, les 3-220, les 3-130, des 3-030, seules les séries 3-030 C et 3-030 D résistent encore. Les séries 3-230 perdent 108 machines sur les 468 du précédent état. Le parc des Pacifics 3-231 C/D/E/F/G/H , des Mikado 3-141 C et 3-141 R se maintient alors que celui des 141 P croit sensiblement (de 37 à 112).
A noter à l’effectif depuis sa mise en service en 1946 de la belle et puissante 242 A 1, transformation par A. Chapelon de la 241-101 Etat. La plus puissante locomotive à vapeur d’Europe (plus de 4000 ch) est à ce moment là au dépôt du Mans.
La Région Ouest SNCF se voit doter d’un parc de machines de manœuvres 3-040 TX et 3-050 TX. Locomotives commandées par l’Allemagne pendant la guerre, et récupérées par la SNCF.
1962, le début de la fin ?
La chute des effectifs impressionne par rapport aux chiffres de 1951. 1382 locomotives en moins. Plusieurs facteurs: la fermeture de lignes, la baisse du trafic, l’apparition des engins diesels (BB 63000/BB 63500, BB 66000).
Les plus anciennes séries
Bien sur, les séries anciennes disparaissent. Ils ne restent que 13 locomotives 3-030 C, vaillantes machines à tout faire, 1 locomotive 3-030 D, 7 locomotives 3-230 K (Ex PO-Midi), 6 machines de manœuvre 3-030 TA et 4 machines 3-131 TA.
Les machines d’origine Etat
570 locomotives, issues de l’ancien réseau de l’Etat, réparties en 6 séries. La plus importante concerne les 3-141 C (187 unités en service).
Il reste aussi 171 machines de vitesse 3-231 D/F/G/H. Dernière série de machines de ligne, les 3-140 C (101 unités) assurent encore les trains de marchandises, et autres infras. Quant aux machines tenders, 46 locomotives 3-040 TA sont à l’effectif, et 19 machines 3-141 TC et 46 machines 3-141 TD continuent de rouler sur la banlieue.
Les séries unifiées SNCF
Si les effectifs des Mikado restent stables, 110 unités pour les 3-141 P et 231 unités pour les 3-141 R, une nouvelle série apparait: les 3-241 P.
Les 050 TX et 030 TU sont toujours à l’effectif, même si leur nombre a diminué de plus de moitié.
Situation au 1er janvier 1966
L’hémorragie continue. Un tiers du parc passe à la trappe. Il ne reste plus que 753 machines, partagées en 14 séries. Depuis le dernier état de 1962, la traction diesel s’installe inexorablement. La SNCF a mis en service les A1A-A1A 68000 et les BB 67000.
Il reste encore 3 vaillantes 3-030 C, et 5 vénérables 3-030 TA, dernières machines datant du 19eme siècle. Pour les machines unifiées, la parc perd une trentaine d’unités, surtout des 141 P (85 unités). Les 141 R passent quant à elles à 242 unités, l’électrification et la diéselisation dans d’autres régions font qu’elles viennent achever leur carrière sur l’Ouest .
Le parc de banlieue ne bouge pas, on retrouve les mêmes locomotives qu’en 1962, 141 TC et 141 TD. Par contre, les séries d’origine Etat quittent petit à petit la scène. 102 Pacific 3-231 D/G assurent encore leur service voyageurs. Les 58 dernières 140 C et les 129 dernières 141 C tractent les marchandises ou autres trains de travaux. On note toujours la présence de quelques 030 TA (27) et 030 TU (12) et 050 TX (7).
1er janvier 1969, la fin est proche
366 locomotives à vapeur sillonnent encore les lignes de l’Ouest SNCF. Mais si on enlève les 253 machines 141 R, seules 113 unités, 6 séries, sont encore à l’effectif.
Les 141 R viennent épuiser leur potentiel kilométrique avant radiation. Certaines doivent même être garées en bon état (GBE). Elles tractent les trains de marchandises sur les lignes normandes, bretonnes et des Pays de Loire. C’est d’ailleurs en Bretagne qu’elles clôtureront la traction vapeur sur l’Ouest de la France, deux ans plus tard.
Les 241 P, qui reprennent les trains voyageurs à la traction électrique en gare du Mans, quittent à leur tour la scène en septembre 1969. En attendant, elles assurent leur service sur Le Mans-Brest et Le Mans-Nantes.
L’électrification de la banlieue réduit l’usage de la traction vapeur à néant. Les 141 TC qui restent sont à l’effectif du dépôt des Batignolles, que certaines ont toujours connu et assurent quelques marchandises entre Achères et Trappes. Les autres assurent la traction sur la ligne du Réseau Breton (RB) entre Paimpol, Guingamp et Carhaix. Elles sont au dépôt de St Brieuc.
Quant aux 141 C (44 machines) et 140 C (24 machines), elles continuent d’écumer les lignes en tête des trains de marchandises et de travaux.
Enfin, il reste un parc résiduel de 030 TU (2) et de 040 TA (9)
Il y a 50 ans…
Même si des circulations sporadiques eurent lieu jusqu’en 1974, la traction vapeur jette ses derniers feux en 1971. La traction électrique prend le relais sur Paris-Le Havre (1967), Paris-Le Mans (1937)-Brest (1989) et Paris-Nantes (1983) et plus tard sur Paris-Caen (1996). Le diesel ayant fait son œuvre sur les autres lignes dès les années 50.
— J’ai écrit cet article sur la base d’informations mises à disposition de la communauté ferroviaire par Jean-Marc DUPUY, auteur d’ouvrages ferroviaires. Merci à lui—
Bonjour,dommage qu’il n’y a pas eu au moins une 141 P conservée, cette belle serie de machines Mikado Unifiée qui a fini sa carrière à Argentan en 68 et à Chaumont début 69 l’aurait bien mérité. Les doubles traction sur les trains de minerai des mines de Halouze et la Ferrière aux Etangs étaient sûrement un spectacle à ne pas manquer. Bonne journée.